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ON NOUS (EN)VOLE NOS ENFANTS

  • Photo du rédacteur: Karine De Leusse
    Karine De Leusse
  • 19 oct.
  • 2 min de lecture

Leur corps est ici mais leur monde est ailleurs. Leur chambre n’est plus qu’un décor ; leur vraie demeure est numérique. Ce n’est pas une métaphore : nous assistons bien à une mutation anthropologique majeure.

Le lieu de la transmission s’est déplacé. Les parents ont été évincés de leur fonction symbolique — celle de donner forme, mesure et mémoire. Le numérique s’en est emparé. C’est lui qui désormais parle, qui guide, qui rassure et qui montre le monde. Un parent sans chair, sans fatigue et sans regard.



Les parents, intendants d’une maison désertée


C’est un drame silencieux : les parents n’ont plus accès à leurs enfants. Ils les croisent sans les voir, leur parlent sans être entendus. Ils gèrent la logistique de vies qu’ils ne partagent plus. Ils sont devenus les intendants silencieux d’une maison désertée. Ils ont mis au monde un enfant, l’ont aimé, élevé, accompagné… Et tout ce qu’ils ont fait grandir leur a été arraché, absorbé et reconfiguré.



Les écrans ont aboli les seuils


Il n’y a plus de portes à franchir, plus de regards à soutenir. Une génération sans passage, sans ancêtres, sans altérité. Dans ce monde sans limite, les adolescents sont devenus les soldats d’une civilisation nouvelle. Armés de pixels et de certitudes, ils défendent un royaume sans douleur, sans effort et sans mort. Ils s’y croient immortels, infinis et intouchables. Et s’il faut marcher sur leurs parents pour préserver ce royaume, ils le feront.

S’il faut renoncer au réel, ils renonceront.



L’humain reconfiguré : de l’enfant héritier à l’enfant produit


Anthropologiquement, le numérique ne fait pas que voler les enfants : il recompose l’espèce symbolique. L’enfant n’est plus un héritier mais un produit dérivé de l’époque. L’humain se scinde entre deux ontologies :

celle du corps — mortel, lent et imparfait — et celle du pixel — immortel, instantané et infini.


Ce que le numérique vole, ce n’est pas seulement nos enfants : c’est la durée même de leur enfance.



L’enfant numérique vit dans un temps contracté


Un temps sans attente, sans lenteur et sans devenir. Il ne grandit plus : il scrolle. Il n’a plus d’histoire mais une succession de micro-présents. Son temps d’enfance se désagrège dans le flux.



L’écran a remplacé le rite


Le repas, le coucher, le regard —ces seuils symboliques par lesquels les générations se reconnaissaient — ont été effacés. L’enfant est privé de rites de passage donc de limites symboliques. C’est ce qui en fait une armée sans loi, sans ancêtres et sans mémoire.



Vers une humanité sans transmission


Peut-on encore parler de “parents” et “d’enfants” — ou plutôt de générations séparées par un cataclysme invisible ?


Comme jadis Prométhée a volé le feu, le numérique a volé les fils. Une humanité est en train d’être défaite dans son geste le plus ancien : transmettre.

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